Une peinture de Godard - 3

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Une peinture de Godard - 1

Une peinture de Godard - 2

 

Abordons Son style

 

Jean Luc Godard use et abuse de la mise en abyme  :

Par exemple dans Détective où l'on voit une caméra JVC qui filme. À un moment elle se tourne vers l'oncle, se tournant en réalité vers la caméra qui la filme : mise en abyme de deux caméras, comme dans l'ouverture du Mépris.

 

Les personnages vont au cinéma : Vivre sa vie, Masculin/féminin, Pierrot le fou,

 

Les personnages tournent un film : Le Mépris, Passion, Prénom Carmen, For Ever Mozart,

 

Les personnages parlent de films, des affiches servent aux décors : dans Éloge de l'amour, on voit l'affiche de Matrix, dans le Mépris on voit l’affiche de Vivre sa vie.

 

La distanciation, on pense évidemment à Brecht, pousse Godard à rappeler que nous regardons un film, que c'est du cinéma (adresse au spectateur, frontalité) :

2 ou 3 choses que je sais d'elle s’ouvre sur une présentation, non pas du personnage, mais de l’actrice (« Elle, c’est Marina Vlady… »).

Il filme le clap indiquant que ça tourne dans La Chinoise et dans Le Gai Savoir.

 

Les personnages parlent du film.

 

Par exemple dans Le Gai Savoir, Léaud dit "finalement c'est un échec ce film", ou Jean Yanne dans Week-end "ça fait chier ce film".

Dans Week-end encore, on voit un personnage ensanglanté affirmer "c'est pas du sang c'est du rouge".

Dans Pierrot le fou : « à qui tu dis ça ? aux spectateurs ».

Et on pourrait continuer …

Pour beaucoup, le nom de Godard est devenu mythique. « C’est du Godard », dit-on d’un film qui flirte avec la provocation et affiche une certaine désinvolture, comme on avait dit en peinture, quelques décennies plus tôt : « C’est du Picasso ».

 

Le collage est un des fondements de l’art cinématographique.

Un film se construit par l’opération du montage qui consiste à coller un plan à un autre plan, à coller une phrase (bande son) sur le visage de celui qui la prononce (bande image) - on dit alors que la phrase est in - ou sur une image différente - le phrase est alors off, ou encore à coller une musique sur une image.

Tout film relève, par le montage, de la technique du collage.

Plus précisément, le mot « collage » a été utilisé en 1965 par Louis Aragon dans l’émission « Cinéastes de notre temps » à propos du travail de Godard.

 

En peinture, la notion de collage définit une « œuvre composée de toutes sortes de déchets, coupures de journaux, boîtes d’allumettes, ficelles, clous, photos, etc., collés sur du carton », on pense à Braque, Picasso et cette définition répond assez bien au cinéma de Godard.

 

L’affiche de 2 ou 3 choses que je sais d’elle était très précisément un collage : le visage de Marina Vlady apparaît au milieu de photographies et de publicités de l’époque, dans l’esprit des affiches lacérées de Jacques de Villeglé. On retrouve également des affiches déchirées dans Made in USA. Godard pratique ainsi le collage dans tous les domaines de la création. Peu d’éléments y échappent.

D’habitude le cinéma cherche, par le montage des éléments visuels et sonores, une fluidité du discours qui permette au spectateur de se conforter dans l’illusion qu’il assiste à une réalité non-fabriquée, voire qu’il y participe.

 

Chez Jean-Luc Godard, la collure est volontairement visible. Tout son cinéma cherche à accuser le processus de fabrication. La collure est soit du domaine du visuel, soulignée par le faux-raccord (un plan succède au précédent en contrariant la disposition spatiale des corps, par exemple), soit du domaine de l’auditif par la répétition d’une phrase, par l’irruption d’une musique ou sa brusque interruption.

 

On pourrait rester encore très longtemps sur l’analyse de l’œuvre de Godard tant elle est riche, complexe et novatrice.

 

Comme l’a fait remarquer Bruno Le Bail, dans l’atelier duquel j’ai le plaisir de travailler et d’apprendre surtout, le cinéma a toujours donné lieu à expérimentation : ainsi, en 1926, Abel Gance donne les derniers tours de manivelle d'un film qui marquera profondément son époque : Napoléon. Dans cette fresque puissante qui ne craint ni la démesure ni l'emphase, ayant parfaitement assimilé les leçons d'un Griffith, il se livre à des audaces formelles allant, par exemple, jusqu'à superposer 16 images dans un même plan, inventant la polyvision grâce au triple écran, créant par un montage nerveux et intelligemment rythmé, un art de l'image qui rappelle par son lyrisme les envolées visionnaires d'un Victor Hugo.

 

Avant de passer à ses influences, Je ne résiste pas au plaisir de quelques citations supplémentaires : C'est à travers ses personnages que retentissent certaines phrases immortelles :

 

À bout de souffle :

 

Patricia :  Quelle est votre plus grande ambition dans la vie ?

Le romancier Parvulesco : Devenir immortel…et puis mourir.

Parvulesco (1929-2010)

Le romancier Parvulesco : Matisse, Renoir, Faulkner, entre le chagrin et le néant, je choisis le chagrin.

Michel Poiccard : je choisis le néant car le chagrin c’est un compromis !

 

Michel Poiccard très Godardien : " Si vous n'aimez pas la mer… si vous n'aimez pas la montagne… si vous n'aimez pas la ville… allez vous faire foutre !

 

Pierrot le fou

 

Marianne faisant les cent pas sur la plage et c’est le célèbre : " Qu'est ce que je peux faire ? J'sais pas quoi faire ! Qu'est ce que je peux faire ? J'sais pas quoi faire ! Qu'est ce que je peux faire ? J'sais pas quoi faire !

 

Alphaville

 

« Il arrive que la réalité soit trop complexe pour la transmission orale ! »

ou encore :  « Si tu souris, c'est pour mieux m'envahir »

 

Hélas pour moi

 

« Vous savez que le manifeste du Parti Communiste a été publié la même année qu'Alice au Pays des Merveilles »

« Notre époque est à la recherche d'une question perdue, comme fatiguée par toutes les bonnes réponses »

Gérard Depardieu : « Ce que l'on croit est une image de la vérité ».

 

Ses influences

 

En tant que chef de file de la nouvelle vague, Godard a bénéficié d'une influence et d'une postérité extrêmement importantes. Tant au niveau formel que discursif, son œuvre a entraînée une rupture conséquente qui a permis à Hollywood d'opérer une véritable "révolution culturelle" en abandonnant en partie le cinéma de studio, et en France de rendre crédible l'alternative à la "qualité française".

L'impact de ses premiers films, extrêmement populaires, lui ont permis d'être un personnage contesté et contestataire de premier plan n'hésitant pas à participer à de nombreux débats sociétaux en France.

Ses œuvres suivantes, plus confidentielles et malgré une originalité intacte, n'auront qu'une influence plus réduite et réservée à certains cercles cinéphiles.

Jean-Luc Godard est l'une des plus grandes sources d'inspiration du réalisateur américain Quentin Tarantino qui lui rend souvent hommage à travers ses films.

Il a ainsi nommé sa société de production A Band Apart en hommage au film Bande à part.

 

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Vidéo     : 2 ou 3 choses que je sais delle

 

Vidéo : Godard interview Woody Allen
 
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