Une peinture de Godard - 1

Cinéaste controversé, vénéré, détesté, incompris, novateur, Jean-Luc Godard a marqué l’histoire du cinéma.

 

Jean-Luc Godard est né le 3 décembre 1930 à Paris dans une famille de la bourgeoisie franco-suisse.

Il est le fils d'un médecin, Paul, et d'Odile Monod, une fille de banquier.

 

Il est cousin germain de Jérôme Monod (° 1930), homme politique français (« proche parmi les proches » de Jacques Chirac), mais également, à un degré plus éloigné, du naturaliste Théodore Monod (1902-2000) et de son frère, le graphiste, typographe et éditeur Maximilien Vox (1894-1974), et du biologiste et chimiste Jacques Monod (1910-1976).

Il est également cousin du maire de Clermont-Ferrand, Serge Godard.

Ceci pour la séquence « people » !

 

 Après une scolarité à Nyon, en Suisse, puis à Paris au lycée Buffon.

 

Il s'inscrit à la Sorbonne en 1946 et y obtient une maîtrise en Ethnologie  en 49.

Il commence à fréquenter assidument le « ciné-club » et les cinémas du Quartier latin de Paris. C'est à cette époque qu'il rencontre André Bazin , François Truffaut, Jacques Rivette et Eric Rohmer avec qui il fonde "la Gazette du cinéma".

Lorsque André Bazin fonde les Cahiers du cinéma en 1951, Godard, Rivette et Rohmer sont parmi les premiers à y écrire. Jean-Luc Godard y signe soit de son propre nom, soit sous le pseudo de Hans Lucas (Jean-Luc en allemand).

Comme beaucoup des critiques des Cahiers du cinéma, Jean-Luc Godard commence à s'intéresser à la réalisation. Son premier film, Opération béton (1954), est un documentaire, un court métrage.

 

En 1958, il tourne Charlotte et son Jules (dédié à Jean Cocteau). Toujours en 1958 François Truffaut tourne pendant une véritable inondation Une histoire d'eau, mais se retrouve avec des rushes qu'il juge inutilisables. Jean-Luc Godard les récupère et fait un montage sur lequel il ajoute un commentaire en voix-off. Il continue parallèlement son travail critique aux Cahiers du cinéma et devient une figure clef de la Nouvelle Vague.



La Nouvelle Vague

 

La Nouvelle Vague est un mouvement cinématographique apparu en France à la fin des années 1950.

Le terme apparaît sous la plume de Françoise Giroud dans L'Express du 3 octobre 1957, dans une enquête sociologique sur les phénomènes de génération.

La Nouvelle Vague s'inscrit dans le contexte historique de l'époque et traduit les mouvements de société : début des Trente Glorieuses, des révoltes étudiantes, guerre d'Algérie, Mouvement de libération des femmes. La Nouvelle Vague ne se limite pas à un nouveau genre cinématographique, mais, par le vent de liberté qu'elle apporte et tout ce qu'elle sait représenter, propose l'instantané d'une époque.



Revenons à Godard

 

Il est tout à la fois scénariste, dialoguiste, acteur, monteur, producteur que écrivain, critique et théoricien du cinéma.

 

Il faut attendre 1959, pour que le producteur Georges de Beauregard mise sur son premier long métrage : À bout de souffle  avec Jean-Paul Belmondo et Jean Seberg et, dans une apparition furtive, mais remarquée, Jean-Pierre Melville. il obtient le Prix Jean Vigo en 1960.

 

Personne n’avait été préparé à ça. Tout semblait avoir été vu et prévu, mais pas ça… Et les sorties quelque temps plus tôt des films de Vadim (Et dieu créa..la femme) ou de Rouch (jaguar), bien qu’exceptionnelles, n’avaient en rien préparé les spectateurs à subir ce qu’ils allaient voir en entrant dans les salles projetant le premier film d’un jeune chien enragé.



Le titre du film : A bout de souffle. Le nom du cinéaste, Jean-Luc Godard. Godard… un mot sur lequel on se gardera bien de jouer, malgré l’évidente tentation d’installer le cinéaste à la place enviée de dieu du cinéma.

Effet de transition donnant l'impression que le monteur a coupé des bouts de pellicule à l'intérieur des plans (Jump cuts), tournage à la volée de plans filmés caméra à l’épaule et éclairés à la lumière naturelle, improvisations sont autant d'irruptions novatrices dans un art que Godard considérait comme trop engourdi par l'académisme.

Le film du jeune cinéaste suisse, jouant avec tous les codes du cinéma américain qu’il affectionne, invite gentiment les spectateurs qui ne l’aiment pas… à aller se faire foutre, lors d’une sublime tirade récitée face à l’objectif par l’acteur révélé Jean-Paul Belmondo.

Le succès est immédiat, le cinéma français enterré, les classiques d’après-guerre oubliés. La Révolution culturelle est en marche.



«A bout de souffle»: un tournage sans filet

 

Voici le récit qu’Antoine de Baecque fait de cette aventure dans «Godard», une biographie récemment sortie :

Le 17 août 1959, Godard donne rendez vous à sa petite équipe à six heures du matin, à la terrasse du café Notre-Dame, sur les quais, première journée matinale dédiée au filmage de l’arrivée de Michel Poiccard à Paris, déposé en stop en face de la cathédrale (il s’agit du personnage de mauvais garçon joué par Belmondo).

Le jeune cinéaste n’a pas dormi et, seul dans sa chambre, rue de la Harpe, il écrit avant l’aurore à son producteur cette lettre inaugurale:

 

«C’est lundi, cher Georges de Beauregard. Il fait presque jour. La partie de poker va commencer. J’espère qu’elle rapportera pas mal d’oseille (mot charmant que l’on n’emploie plus guère). Je voulais vous remercier de me faire confiance. Je m’excuse d’avance si par hasard je suis de mauvaise humeur le mois qui vient. J’espère que notre film sera d’une belle simplicité, ou d’une simple beauté. J’ai très peur. Je suis très ému. Tout va bien. Je vous écris presque comme à mes parents et vous lègue, comme première mise pour la partie qui commence, cette devise de Guillaume Apollinaire (sic): Tout terriblement, JLG

 

Le montage heurté du film, ses nombreux faux raccords, la vision quasi documentaire de Paris qui s'en dégagent, sont fortement novateurs et focalisent l'attention de la critique. Ce film qui n'a que l'apparence d'un film policier déconcerte les amateurs du genre habitué à un tout autre cinéma.

 

À la fois succès critique et public, reconnu internationalement, ce film devient représentatif du style de la Nouvelle Vague

C'est le début d'une série de films où Godard pense le cinéma en réinventant la forme narrative.

 

Son second succès sera Vivre sa vie en 1962 avec Anna Karina.

  

L'année suivante, il réalise les Carabiniers en hommage à Jean Vigo.

 

1963… L’année… La plus grande année du cinéma français, celle durant laquelle sort ce qui est considéré comme le chef d’œuvre absolu, produit par Carlo Ponti : Le Mépris.

Godard y sublime Brigitte Bardot.

Un gros budget, un casting de stars (Piccoli et Bardot), la présence incroyable de Jack Palance, que l’on retrouvera avec bonheur dans la série américaine Le plus grand chapiteau du monde,  et celle troublante du dinosaure Fritz Lang, les décors de Cinnecita, les couleurs de la Méditerranée, celles de la maison de Mallarmé à Capri…

Le film tiré d’un roman médiocre de Moravia, régulièrement nommé en bonne place dans les palmarès de cinéma, ce dont Godard doit se foutre éperdument, est le plus bel hommage que l’on puisse faire au cinéma et à l’art en général.

La scène d’ouverture, dite du blason, est probablement la plus incroyable jamais montrée sur un écran. Le dialogue entre Bardot et Piccoli durant cette scène aux couleurs du film (bleu, jaune, rouge) est l’un des plus célèbres au monde : «Tu préfères mes seins, ou la pointe de mes seins ?».



En 1964, Godard et Anna Karina – qu'il a épousée en 1961 – fondent la maison de production Anouchka Films.

 

En 1965, Godard tourne Alphaville, une étrange aventure de Lemmy Caution et Pierrot le fou.

 

Quête de l'amour fou, balade surréaliste, Pierrot le fou est un film-collage, parodie de polar, méditation sur le Cinéma, la peinture, la poésie, la liberté, c’est aussi l'une des œuvres clé des années soixante dont la sortie suscita de vives polémiques.

 

A sa sortie, le film fut très décrié et même interdit aux moins de dix-huit ans, pour "anarchisme intellectuel et moral". Son titre d'origine était Le Démon de onze heures. Malgré cela, il remporta le prix de la critique au Festival du Film de Venise en 1965. Une des répliques du film, dite par Anna Karina, est passée dans le langage courant : "Qu'est-ce que je peux faire ? Je sais pas quoi faire.., Qu'est-ce que je peux faire ? Je sais pas quoi faire..."

 

Ferdinand Griffon, Pierrot, ex professeur d'Espagnol, ex stagiaire à la télévision, marié à une richissime italienne, lit à sa petite fille des pages d'Elie Faure consacrées à Velázquez. Une jeune fille, Marianne, vient garder les enfants. Les Griffon se rendent à une réception bourgeoise chez des amis, où chacun débite des slogans publicitaires, exception faite de Samuel Fuller, le réalisateur joué par lui-même, qui parle de cinéma.

Ferdinand jette un gâteau au visage des invités et, retrouvant Marianne qu'il a jadis aimée chez lui, part à l'aventure.

Les références à l'art sont nombreuses : la poésie moderne, la peinture de Velázquez à Picasso, le cinéma avec Samuel Fuller.

 

Le film débute sur un Belmondo-Fernand-Pierrot dans sa baignoire en train de lire Histoire de l’Art d’Elie Faure :

Texte sur Vélasquez Page167

Velasquez, après 50ans, ne peignait plus jamais une chose définie.

Il errait autour des objets avec l’air et le crépuscule, il surprenait dans l’ombre et la transparence des fonds les palpitations colorées dont il faisait le centre invisible de sa symphonie silencieuse.

Il ne saisissait plus dans le monde que les échanges mystérieux, qui font pénétrer les uns dans les autres les formes et les tons, par un progrès secret et continu dont aucun heurt, aucun sursaut ne dénonce ou n’interrompt la marche.

 

On se rappellera tous de Bébel se couvrant le visage de peinture bleue avant de la couvrir d’une ceinture d’explosifs jaunes puis l’explosion finale !

C'est à Propos de Pierrot le Fou qu'Aragon rend hommage à Godard en 1966:

 

« Qu'est-ce que l'art ? Je suis aux prises de cette interrogation depuis que j'ai vu le Pierrot le fou de Jean-Luc Godard, où le Sphinx Belmondo pose à un Producer américain la question : Qu'est-ce que le cinéma ?

 

Il y a une chose dont je suis sûr, aussi, puis-je commencer tout ceci devant moi qui m'effraye par une assertion, au moins, comme un pilotis solide au milieu des marais : Le cinéma, pour moi, cela a été d'abord Charlot, puis Renoir, Buñuel, et c'est aujourd'hui Godard.

  

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 Pour le plaisir, 2 extraits du Mépris

 

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